L'industrie textile bio (2)
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Suite au précédent article plutôt théorique, voici maintenant de quoi aller encore un peu plus loin sur le sujet du textile dit biologique.
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Difficulté de s'informer en vérité sur les labels textile.
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La rédaction de l'article sur les différents labels m'a demandé des heures de recherche (une vingtaine je dirais) tellement le manque d'informations est énorme.
Les écrits en français sont incomplets voire imprécis ou carrément inexacts. Bien souvent l'un ne fait que recopier l'autre et ainsi de suite. L'exactitude scientifique est difficile à trouver, les différents articles se contentent d'idées générales et d'informations approximatives. Les opinions des auteurs varient en fonction de leurs intérêts; par exemple un site qui vend des tissus Oeko Tex et va écrire que les 2 labels se valent.
Les marques ont compris que les consommateurs étaient de plus en plus concernés par le respect de l'environnement et n'hésitent pas à faire du green washing... quand elles ne sont pas simplement très mal informées elles-mêmes (un acheteur junior ou chef de produit débutant ne connait rien au sujet, il est aussi impossible de contrôler tous les sous-traitants basés généralement en Asie).
Il faut dire que les référentiels changent régulièrement pour suivre l'évolution des connaissances en matière de substances chimiques. J'ai dû privilégier les documents officiels techniques et donc difficilement compréhensibles. J'avais aussi interrogé différents acteurs de la filière en amont (fournisseurs de tissus et teinturiers) et me suis rendu compte que là encore, il était difficile d'obtenir une information claire.
Les 2 principaux labels Oeko tex et publient chacun des énormes listes de substances chimiques à éviter avec des seuils à ne pas dépasser pour Oeko tex. Aucun des 2 ne mentionne l'autre, les comparer est quasiment impossible pour le grand public.
La mode change (un peu), c'est indéniable, mais nous n'en sommes qu'au début.
Cela me rappelle les débuts des cosmétiques biologiques, il y a 15 ans, l'information n'existait pas, j'avais dû lire le livre de Rita Stiens "la vérité sur les cosmétiques" pour tenter d'y voir clair. Il n'y avait que ce livre et il était très compliqué pour quelqu'un sans connaissance en chimie et c'était le début de la certification bio par Ecocert. Etant en charge de la distribution de quelques marques de cosmétiques bio en Espagne et Italie, il fallait que je sache de quoi je parlais. Maintenant, le label bio est largement répandu et utilisé y compris par les grands groupes qui ricanaient il y a quelques années (c'est vraiment le terme!)
Et pourtant, il y a urgence de changer cette mode textile!
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La nocivité du textile conventionnel
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Chaque Européen consomme environ 19 kg de textile par an, chiffre en augmentation constante depuis 15 ans.
80% de ces 19kg sont des vêtements, de l'ameublement et des draps.
80% du textile en Europe vient d'un pays non européen, la majorité des importations vient de Chine.
Ces 80% sont plutôt sous-estimés car parfois seule la dernière étape de fabrication d'un vêtement est réalisée en Europe et cela permet d'apposer une étiquette made in EU.
43% environ de cette consommation de textile (les 19KG du début, vous me suivez?) vient du coton.
La plupart des substances chimiques utilisées pour la production du vêtement restent dans le textile final (que ce soit volontaire ou non).
Et une pièce textile requiert beaucoup de substances chimiques pour arriver à son aspect final (colorants, produits anti odeur, anti rétrécissement, phtalates pour les sérigraphies notamment, produits adoucissants, water repellent...).
On estime ainsi que pour produire 1 kg de coton on utilise environ 3 kg de substances chimiques.
Vous comprenez maintenant mieux pourquoi le label Oeko Tex revient finalement à tester toutes ces substances qui entrent dans la fabrication du tissu final
Et vous comprenez aussi pourquoi le véritable enjeu d'un vêtement pour qu'il soit sain, n'est pas tant que le coton soit bio mais surtout toutes ces substances qui viennent après dans le processus de fabrication et demeurent comme à la surface du tissu.
Quand on vous dit "fabriqué à partir de coton bio", ou "coton bio" on vous dit juste que la fleur de coton est cultivée sans pesticides et engrais chimiques. C'est un bon début pour la planète. Pour le consommateur, franchement, je ne suis pas sûre qu'il y ait un quelconque intérêt, au risque de vous décevoir.
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Ici, l'information donnée par la marque est exacte: coton bio veut simplement dire que la fleur de coton est biologique. La suite pour arriver au vêtement n'est pas concernée.
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Nocivité des substances utilisées au cours du processus de production
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La nocivité est évidente pour l'environnement. Les produits chimiques utilisés par l'industrie textile contaminent :
- l'environnement: notamment à chaque lavage des vêtements puis en fin de vie (incinération)
- l'individu, et porte préjudice à la santé humaine par le contact avec la peau. La peau est le plus grand organe du corps et est perméable.
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On retrouve ces substances jusque dans les organes du corps par le contact avec la peau aggravé avec le frottement, la respiration, la machouillage (dans le cas de enfants...)
Ces substances sont cancérigènes, neuro toxiques, provoquent des perturbations du système hormonal (les fameux perturbateurs endocriniens) etc (il suffit de lire la liste des substances listées par les label Oeko Tex et qui devraient être strictement interdites dans tous les processus de production textile.
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et chez risu risu?
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Intimement convaincue de la toxicité de l'industrie textile, j'ai évidemment basé la production des collections risu risu uniquement sur du coton certifié (100% des tissus utilisés depuis plusieurs collections déjà) ainsi que des teintures certifiées . Au début, c'était impossible, les teinturiers ne la faisaient pas.
Il y a 2 ans, les établissements Maire, en France ont commencé à teindre selon les normes et risu risu a été un de leurs premiers clients à le demander.
Malheureusement Maire a fermé mais j'ai réussi à trouver un fournisseur au Portugal pour le jersey piqué écureuil puis un fournisseur en Allemagne pour du tissu certifié dans sa globalité, donc y compris la teinture (au début le choix était si limité que monter des collections était mission quasi impossible) puis Espagne pour les tissus hors jersey.
Cet hiver, seuls les deux imprimés fleuris ne sont pas , ils sont certifiés Oeko Tex, l'impression est réalisée près de Barcelone sur du tissu certifié . Selon moi, c'est parfait pour la santé de nos enfants si vous m'avez suivie jusqu'ici vous aurez compris pourquoi!
(Oeko Tex revient à vérifier la qualité des teintures, sans prendre en compte le tissu puisqu'est contrôlée la non-nocivité du vêtement pour la peau, imprimer Oeko Tex sur des tissus revient à peu près au même qu'acheter un tissu fini )
C'est grâce à la demande du consommateur que les choses ont évolué et vont continuer à aller dans le bon sens.
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Résultat pour risu risu: des matières moelleuses, épaisses, ultra douces et bien résistantes dans le temps.
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Petite précision: contrairement à ce qu'on pense parfois, la teinture selon le label n'est pas naturelle du tout: les colorants utilisés sont chimiques, même si parfois d'origine naturelle, mais ils ont été testés pour ne pas être dangereux pour la santé et ceux connus pour être toxiques sont interdits. A ne pas confondre avec de la teinture végétale (qui peut en revanche utiliser des méthodes chimiques de fixation de la couleur sur le tissu).
La plupart des couleurs peuvent être obtenues (en revanche pas de doré, argent ou fluo)
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Mon prochain combat: faire certifier le vêtement final, ce qui m'est impossible aujourd'hui faute de trouver un atelier en Espagne qui soit certifié . Cela permettrait de clarifier les choses. Les tissus qui sont utilisés étant quasiment tous certifiés , il n'y aurait aucun problème, le processus de confection n'étant pas source de toxicité même si impose quelques obligations comme séparer les tissus des autres pour éviter tout risque de contamination)
Mais le est connu surtout en Inde et Turquie pour protéger les droits des travailleurs et n'est pas du tout encore connu des ateliers en Europe; ces derniers ne voient pas l'intérêt de se plier à ses contraintes administratives qui ont un coût certain. (les obligations de pour les ateliers de production sont surtout d'ordre administratives pour vérifier le nombre de vêtements labellisés produits par rapport aux mètres de tissus entrés afin d'éviter les fraudes).
C'est sûr, nous y arriverons ensemble!
Merci de votre soutien à nos côtés pour changer la mode!
N'hésitez pas à me faire part de vos remarques et questions.